Nous nous permettons d’imaginer que tu n’aurais pas voulu que nous restions fâchés avec le ciel, alors voici :
Un texte à lire en écoutant The Sadies : A good flying day
Un léger vent d’ouest souffle sur ce début d’après-midi qui nous offre les conditions les plus parfaites pour nous envoler en surplombant le Léman.
Les amis sont là, nous n’avons pas dressé de grand plan, nous verrons bien ou le vent nous porte…
Le décollage se colore tel un tableau d’impressionniste avec nos voiles ouvertes, le démêlage est méticuleux. A ton tour de t’envoler, la concentration est intense en ce moment important, ta voile monte, puis te prend en charge et comme toujours, une immense ivresse de liberté te gagne.
Nous longeons le flan de la montagne en quête du premier thermique, très vite il est là, indiqué par nos maîtres les oiseaux qui s’y exercent avec une agilité que nous n’aurons certainement jamais…
Le thermique est large et généreux, nous nous étageons très vite. L’ascendance est parfois physique, mais l’attrait du plafond, l’attrait d’aller jusqu’au haut de ce thermique prend le dessus et t’aide à maintenir l’aile dans l’inclinaison idéale.
L’arrière-pays se dévoile au rythme des derniers tours enroulés, la roche se dresse fièrement et les verts se déclinent majestueusement de là-haut. A cette hauteur l’air est plus frais, il balaye ton visage comme pour te récompenser du gain de hauteur. Mais déjà les cadors du club transitent vers la prochaine montagne, nous les suivons au mieux.
Nos ombres dessinent comme un bas-relief ou une véritable Poya sur le paysage. Certains feront en effet une désalpe car ils auront manqué la prochaine ascendance et se seront posés là, juste au pied de la chaîne. Il faut bien que quelqu’un se dévoue pour offrir l’apéritif.
Les prochains thermiques se suivent sans se ressembler, l’euphorie te gagne peu à peu, l’esprit est léger, détaché du monde là-haut, loin du quotidien, l’heure n’a plus d’importance, sauf pour ton estomac.
Parfois durant le vol, les copains se permettent de te dépasser, voir d’avoir la désobligeance de te survoler, voir même de venir profiter de ton « ascendance privée » que tu as dénichée en ayant observé les signes de la nature. Nous connaissons les ailes de chacun, les commentaires à la radio vont donc bon train. Nous rapporterons de toute manière de croustillantes anecdotes au dîner qui suivra le vol en prenant soin de les amplifier, même de les déformer selon le dicton du club.
Les heures ont passé, le soleil se fait plus bas sur les cimes, donc nous aussi, tu lèves les yeux sur ta voile, le contraste entre elle et le ciel est fort, les sentiments sont puissants après avoir parcouru autant de kilomètres à la comprendre et à lire les éléments.
Ton altitude est maintenant vraiment moindre, tu dois donc te résoudre à rejoindre les amis déjà posés dans un champ accueillant, après une approche selon les règles, te voici face au vent, à quelques mètres du sol, tes pieds s’apprêtent bel et bien à retrouver la terre…
Tes chers amis attendent avec impatience que tu enlèves ton casque pour venir échanger une vigoureuse poignée de main ou te serrer dans leurs bras.
Les visages sont marqués par l’effort, les traces de vols sont bien enregistrées, les yeux sont pétillants, l’émotion est palpable et nous accompagnera tout au long des jours suivants.
Nous gardons tous secrètement qu’après avoir partagé une telle aventure entre ciel et terre, un peu de nous, de notre cœur et surtout de notre esprit plane pour toujours dans ce ciel bleu, que nous parapentistes aimons tant…
Bon vol à toi Gordan !